Il paraît que tu travailles jour et nuit…
Je fais la post-synchro d’un film anglais produit par George Harrison qui s’appelle en anglais «Water» et dont le titre français sera «Ouragan sur l’eau plate». C’est un film avec Michael Caine et Valérie Perrine, qui est une comédie très anglaise et extrêmement drôle. Et puis, le soir, je suis en train d’enregistrer un disque, ça faisait longtemps que j’en avais envie, mais aucune proposition ne m’intéressait réellement. Maintenant j’ai un titre qui me plaît beaucoup et je l’ai enregistré.
Tu es un perfectionniste alors…
Ben oui, j’essaye dans la mesure de mes moyens. Quand on est pas connu on a moins la possibilité de choisir, mais là, j’ai déjà moins d’excuses.
Tu as des projets de films, suite de «Marche à l’ombre» ou avec l’équipe du Splendid?
J’ai un projet de film avec Josiane Balasko où il y aura sûrement beaucoup de gens, c’est une comédie assez originale par rapport à tout ce que j’ai fait jusqu’à maintenant, où je joue un rôle différent. Je ne ferai pas de suite à «Marche à l’ombre» parce que je n’aime pas les suites et j’essaie de les éviter autant que possible.
Il y a un acteur ou une actrice avec lequel tu voudrais tourner plus particulièrement ?
Il y en a même plusieurs ! Depardieu, Marceau, Binoche, et surtout Kinski, Deneuve…
Quel genre de musique te branche ?
Tous les genres de bonne musique. La musique classique, car quand j’étais môme je faisais du piano, j’aime le jazz, et en ce moment la musique africaine. Ce n’est pas un hasard si dans «Marche à l’ombre» certaines scènes se passent dans un squat avec des musiciens africains. Dans les Français, j’aime beaucoup Jonasz. J’ai été très emballé par Rita Mitsouko. J’irais bien voir Gainsbourg au Casino de Paris, il a toujours été en avance sur son temps et il est complètement génial.
Quel genre de nana te fait craquer?
Plutôt les nanas plus jeunes que moi. Je ne veux pas dire adolescentes de 12 ans ! Ce n’est pas un recrutement selon l’âge, mais je constate seulement qu’elles sont généralement jeunes.
Que penses-tu de la mode ?
Ça me passionne. D’abord je trouverais dommage de vivre dans une époque sans s’intéresser à toutes les expressions de cette époque. Donc la mode m’intéresse à tous points de vue : artistique, vestimentaire, l’architecture, etc. Ce qui ne veut pas dire que j’aime les choses parce qu’elles sont à la mode.
Qu’est-ce que tu penses de la vidéo ?
Sous quelle forme ? Tiens, par exemple, les pubs vidéo à la télé sont abjectes de laideur parce que c’est bâclé, c’est de la merde. Et le son est dégueulasse. Mais il est certain que la vidéo est totalement passionnante, j’englobe dans la vidéo la TV, et je suis un dévoreur de télé. Je n’arrête pas de la regarder, je suis abonné à Canal +. J’ai même vu l’autre jour qu’on vendait à la Fnac des antennes pour capter les satellites et j’ai failli me jeter dessus en me disant que je pourrais capter des chaînes anglaises, allemandes.
Quel genre de films tu regardes ?
Il y a une vieille phrase qui dit «le genre que je n’aime pas c’est le genre ennuyeux» et il n’y a aucun style de films que je ne suis jamais allé voir. Je n’aime pas trop les films d’horreur, pour des raisons de confort personnel, ça me dégoûte et, comme je ne suis pas totalement maso, je ne vais pas les voir. Je ne parle pas des films d’angoisse, mais ce que je n’aime pas c’est l’hémoglobine et les tronçonneuses.
Pour revenir un peu à «Marche à l’ombre», que penses-tu de la drogue ?
Je suis très hostile à la drogue ! Et quand je dis drogue c’est aussi l’alcoolisme. J’ai vu des gens se foutre en l’air avec la drogue, c’est effrayant. Une souffrance monstrueuse. Entre le fait que les gens riches et oisifs en 1930 prenaient de la coke et les jeunes de maintenant pauvres, et qui par la force des choses deviennent oisifs, il y a une grosse différence. La drogue devient un refuge car les gens sont poussés à ça non pas par recherche, comme certains poètes de la fin du 19e siècle, mais par fuite de la réalité et c’est emmerdant car ça veut dire que la réalité donne envie de fuir et c’est ça le vrai problème. Sans compter la bande de salopards qui en vit : les trafiquants.
Et si je me fais attaquer par des renards, qu’est-ce que tu me conseilles ?
Je te conseille d’essayer le vin…
Je suppose que tu aimes bien bouffer…
D’une manière générale, j’aime toutes les sensations agréables. J’aime beaucoup la cuisine orientale. En revanche, je suis allé à Ibiza et c’était dégueulasse.
Tu sors le soir, dans les boîtes par exemple ?
Je vais le moins possible dans les boîtes car on m’emmerde. Les gens sont plus ou moins bourrés et leur manière de manifester leur sympathie est assez envahissante. Avant j’allais à l’Élysée Matignon parce que c’est une boîte extrêmement snob et que les gens à l’intérieur sont tellement snobs qu’ils font semblant de ne pas te reconnaître. Donc c’est formidable, on a la paix…
Quand on te demande un autographe, ça t’ennuie ?
Non, d’abord parce que je trouve ça flatteur et deuxièmement si ça m’ennuyait ça serait très curieux que je fasse ce métier. Mais ça m’ennuie parfois quand les gens me reconnaissent dans la rue et hurlent, et ça arrive, et d’un seul coup tout le monde se retrouve, et ça me met mal à l’aise car je suis très timide.
Quand tu avais notre âge, ça te plaisait les études ?
J’ai toujours eu de bons résultats sans trop travailler, je ne dis pas que je suis un génie, mais ça marchait très bien avec un travail personnel calme. Et je me marrais bien au lycée…
Tu as envisagé une autre carrière qu’acteur ?
Bien sûr, j’avais envie d’être acteur très jeune, mais après le bac je suis allé en fac et je me disais que je pourrais être prof de lettres. Mais j’ai réalisé que je préférais la comédie…
Et tes parents ?
Ils ont toujours été très sympas. Pour ça, ils m’ont toujours laissé faire ce que je voulais.
Tu m’as dit que tu regardais pas mal la télé, alors je suppose que tu regardes les actualités. Quelle est ton opinion sur le Sida, l’affaire Green peace, les divers accidents de trains et d’avions, es-tu inquiet ?
Je ne suis pas inquiet, ça c’est des trucs pour le Parisien libéré, bien sûr le Sida c’est très emmerdant. Encore une fois, j’ai pas des visions de morale sur le monde, c’est des idées de curé, ça. L’affaire Green peace, je m’en fous un peu, très cyniquement, il est tout à fait normal que le gouvernement fasse sauter le bateau, mais c’est pas aussi simple que ça. Mais tu sais, je ne suis pas un utopiste. Je ne crois pas à un monde où les gens se trimballent avec des fleurs dans les cheveux dans des jardins d’Éden avec des grandes robes blanches, ça n’existe pas. Le monde est fait d’affrontements et d’abcès de fixation. Faut juste essayer de limiter les dégâts. Tous les rêveurs idéalistes ne font pas progresser les choses ni la paix.
J’ai vu que tu avais tourné à tes débuts dans le «Le locataire», ça doit faire un drôle d’effet de tourner avec Polanski ?
Ben oui, ça m’a foutu vraiment les jetons, il est arrivé très en retard, on a commencé la journée de tournage à 3 heures au lieu de midi, moi j’étais là depuis 10 heures du matin en pyjama sur un palier ; j’avais donc très peur et très froid !
Le jeu de la vérité ça t’a laissé quoi comme impressions ?
Moi, le jeu de la vérité, ce qui m’intéressait surtout c’est de savoir ce que les gens au fond pensent de moi. Et ça m’étonnait qu’ils me demandent d’y participer. Delon c’est normal, ça fait 30 ans qu’il occupe la une des journaux avec ses histoires de cul et de fils, et de prises de position, c’est normal qu’ils aient des trucs à lui demander, mais moi ? Alors j’ai été très flatté de voir qu’on a beaucoup appelé et que ça soit plutôt positif, contrairement à Sophie Marceau dont la violence des questions posées semble relever de la frustration sexuelle des téléspectateurs.
Le remue-ménage qui a été fait sur l’Éthiopie, les disques, le concert du siècle, qu’est-ce que tu penses de tout ça ?
Je me suis beaucoup posé la question parce que j’ai participé à un truc, une bande annonce pour faire acheter l’album «Band aid», qui devrait d’ailleurs passer incessamment. Je me suis demandé si tout ça était un formidable événement médiatique, et si quelques Éthiopiens allaient en profiter. L’alternative c’était «ou c’est une escroquerie ou une véritable aide». Et alors qu’est-ce que j’ai perdu ? Je suis ridicule? Ça ne tue pas. En revanche, si je ne fais rien et que ça aurait pu aider, je tue. Mais j’estime que ce serait mieux si c’était au niveau du gouvernement que ça se passait. Un autre truc : je crois que quand les gens votent pour Reagan, il est absolument incohérent qu’ils aillent chanter pour l’Éthiopie. Parce que la politique de Reagan maintient le dollar à une valeur élevée et augmente la dette des pays pauvres.
Tu prends des vacances ?
Pas au sens habituel. Je ne supporte pas l’idée d’arrêter de travailler ou plutôt de ne pas avoir une activité. Alors j’ai plutôt tendance à partir dans des villes, par exemple Londres, New York, parce que la vie y continue. J’aimerais aussi aller dans le Sud-est asiatique.
Tiens, une autre question qui nous concerne directement, les interviews, qu’est ce que t’en penses ?
Je pense rien en général, mais en particulier. Sur le principe, je suis toujours flatté qu’on me demande mon avis sur des trucs, ça m’étonne toujours. Je trouve ça curieux que mon opinion puisse avoir un intérêt quelconque pour quelqu’un d’autre que moi ! En plus ça m’oblige des fois à faire le point, c’est comme une sorte de psychanalyse. Et on arrive à voir ce que les gens pensent de vous à travers les questions qu’ils vous posent. C’est plus intéressant de répondre à une interview que de lire une critique. Ce que je n’aime pas, c’est les gens qui arrivent en disant «vous n’auriez pas une anecdote à me raconter ?» C’est très fréquent et ça veut dire que l’intervieweur ne sait pas quoi demander et que vous qui êtes un rigolo vous allez bien trouver un truc marrant pour lui remplir son papier et, en fait, on fait le travail à sa place.
Tout à l’heure tu as prononcé un mot : psychanalyse. Qu’est- ce que tu en penses ?
Je suis un peu effrayé par l’approche quasi-religieuse que les psychanalystes ont de la théorie freudienne. C’est vrai que le fait de parler de ses problèmes ça s’est toujours pratiqué et que c’est très intelligent de l’avoir découvert. Et je ne nie pas son utilité. Mais les gens qui ont tendance à être sur leurs problèmes, et à partir du moment où ils se font analyser, ils sont de plus en plus sur leurs problèmes. Personnellement, je ne ressens pas l’envie d’essayer, j’ai réussi à trouver un équilibre, peut-être justement grâce à mon métier. Si j’étais directeur de banque, là, peut-être que j’irais me faire psychanalyser.
Tu as l’air plutôt tolérant dans l’ensemble…
Je suis très tolérant pour certaines choses et totalement tyrannique pour d’autres. Par exemple, je ne suis pas tolérant vis à vis des médecines douces qui pour moi peuvent être très dangereuses et de ce fait je suis hostile au livre de Rika Zaraï. Je tolère parfaitement qu’elle le fasse pour elle, mais qu’elle n’incite pas les autres. Elle se fait une fortune avec ce bouquin alors que de pauvres médecins gagnent trois fois rien pour leurs recherches contre le Sida. C’est très malhonnête. Par exemple, Rika Zaraï préconise, lorsqu’un enfant se blesse avec quoi que ce soit, de mettre de l’argile sans désinfecter et s’il reste des morceaux de bois dans la plaie, l’argile se chargera de désinfecter. Mais combien de cas de tétanos apparaîtront ? Est-ce qu’on a le droit de faire ça ? Elle peut le faire sur elle-même, mais le conseiller à des gens qui ne sont pas armés me paraît anormal. Je trouve que dans la vision sociale, il y a des choses qu’on ne peut pas laisser faire. Le suicide par exemple. Moi je pense que quand on ne peut plus vivre, à cause d’une souffrance morale ou physique insurmontable, le suicide est parfois préférable. Mais quand un mec est dans une condition normale, il ne se suicide pas facilement à cause de la crainte de la mort. S’il y a une souffrance suffisante, pourquoi empêcher les gens de le faire, au nom de quoi ?
Tu me sembles plus indulgent vis-à-vis du suicide que de la drogue….
Bien sûr, mais je suis indulgent avec la fuite, pour moi la drogue c’est un suicide. Si on l’envisage comme un suicide, je suis totalement indulgent. Entre se tirer une balle dans la tête et prendre de l’héro, moi je comprends tout à fait. Mais si un mec se dit, là, ça va pas mal, mais avec de l’héro ça sera super, là je dis non ! C’est pas vrai, c’est comme si un mec se disait « ça va pas mal, je vais essayer de voir quand on est mort si ça va pas mieux ! ». Mais quelqu’un de désespéré, j’ai rien à dire. S’il veut se tuer, il peut à la limite essayer l’héro, il aura des moments formidables peut-être en plus.
Mais les associations comme SOS amitiés, ça te paraît utile ?
Oui, parce que certains ont des coups de déprime et des envies de suicide passagères : un mec de 50 balais est chômeur, sa femme le plaque, il est seul.